Victor Hugo raconté par les papiers d'État

Ce livre est une contribution importante à la connaissance de Victor Hugo, l'homme, saisi dans la réalité de son siècle, pris sur le vif, grâce à une documentation souvent inédite. Il étudie la vie du poète, de décembre 1851 à septembre 1870, c'est-à-dire toutes les années que Victor Hugo a passées hors de France, dans des exils divers : la Belgique d'abord, puis Jersey et Guernesey, etc. L'auteur connaît admirablement son sujet. C'est non seulement un Hugolien chaleureux, mais aussi un érudit de premier ordre. Victor Hugo est présenté sous deux éclairages. D'abord celui que donnent les rapports écrits à son propos par nombre de policiers, diplomates, magistrats chargés de sa surveillance, ou du contrôle de ses œuvres, tant pour le compte de l'Empire français, que pour celui de l'étranger. Ensuite, l'autre image se compose de l'étude des diverses réactions de l'homme surveillé, espionné, et constitue l'ensemble des points de vue de l'exilé. Cela fait donc un ouvrage très complet, sur une période particulièrement productive et intéressante de la vie de Hugo. Nous suivons son évolution politique, qui le conduira - entre autres - à célébrer le drapeau rouge et à présider le Congrès de la Paix de Lausanne, en 1869. En 1848, Hugo est un bourgeois orléaniste. En 1851, c'est un républicain libéral. À son retour d'exil, en 1870, il adhère à un radicalisme socialisant qui ne se veut - selon la formule célèbre de Pelletan, son disciple - « aucun ennemi à gauche ». Pierre Angrand montre aussi, avec beaucoup de force, la prodigieuse « présence » de Hugo, retiré sur son rocher, en Europe et même en France. Cet excellent ouvrage se lit comme un roman - bien qu'il soit le contraire du genre détestable qui s'appelle l'histoire romancée. C'est de l'histoire littéraire et politique très sérieuse. Chaque phrase est étayée sur une référence donnée en note, ou appuyée sur une citation. L'auteur n'avance rien dont il ne possède la preuve palpable, méthode historique brillamment illustrée déjà par Henri Guillemin.